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La ciguatéra

La ciguatéra

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Qu’est-ce que c’est ?

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La ciguatéra est une intoxication alimentaire consécutive à la consommation de poissons de récif, en parfait état de fraîcheur et habituellement comestibles, rendus toxiques par la présence de toxines ayant pour origine une micro-algue, le dinoflagellé Gambierdiscus.

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Ce phénomène de bioécologie marine, connu depuis des siècles, sévit de manière endémique dans la plupart des écosystèmes coralliens des zones intertropicales. Les trois principales zones d’endémie au niveau du globe sont l’océan Pacifique, les Caraïbes et l’Océan Indien (cf carte). En Polynésie française, il affecte principalement les populations des îles éloignées fortement dépendantes, sur le plan alimentaire et économique, des ressources lagonaires.

Les symptômes

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Avec un taux d’incidence annuel de près de 500 cas/100.000 habitants, la ciguatéra, ainsi baptisée du nom d’un mollusque cubain (cigua) provoquant des troubles analogues, apparaît comme un véritable problème de santé publique.

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Les premiers symptômes de la maladie, communément appelée gratte, apparaissent 2 à 12 heures après le repas. On distingue 4 types de syndromes :

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neurologiques : troubles de la sensibilité (picotements autour des lèvres et du nez, fourmillements des mains et des pieds, sensations de brûlure au contact de l’eau froide), démangeaisons, maux de tête, sueurs, frilosité, fatigue ;

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  • gastro-intestinaux : nausées, vomissements, diarrhée ;
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  • cardio-vasculaires : hypotension, bradycardie ;
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  • musculaires et articulaires.
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Dans les formes graves, on observe aussi parfois des troubles moteurs, respiratoires ou visuels.

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La consultation d’un médecin s’impose. Le traitement est prescrit en fonction des signes cliniques présentés par le patient et consiste le plus souvent en une association de calcium et de vitamines. La perfusion intraveineuse de Mannitol est conseillée dans les cas les plus sévères. Elle permettrait de supprimer les symptômes neurologiques et d’éliminer rapidement les ciguatoxines. Les cas mortels sont exceptionnels et l’évolution de la maladie est généralement favorable après quelques jours. Mais il n’est pas rare que les troubles de la sensibilité, les douleurs et les démangeaisons persistent plusieurs semaines et soient ravivés par une nouvelle consommation trop hâtive de poisson, même sain. En particulier, des études cliniques font état de la persistance des symptômes neurologiques de manière chronique, parfois au-delà d’une période de 6 mois après le premier repas toxique.

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Etude des effets neurologiques chroniques de la ciguatéra

Les ciguatoxines

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De 1976 à 1989, les chercheurs de l’Institut Louis Malardé ont orienté leurs recherches vers l’analyse des ciguatoxines (ou CTXs). A partir de 1986, la purification complète de ces composés a permis d’isoler une vingtaine de toxines présentes aux différents niveaux de la chaîne trophique, puis de déterminer leur structure moléculaire. Il s’agit d’une famille de composés polyéthers de poids moléculaire voisin de 1110 daltons.

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Très puissantes, ces neurotoxines peuvent provoquer des perturbations des fonctions neuro-physiologiques même à de très faibles doses.

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Depuis, d’autres CTXs, de structure chimique différente des CTXs du Pacifique (P-CTXs) ont été décrites dans les autres régions où la ciguatéra est également endémique, à savoir les Caraïbes (C-CTXs) et l’Océan Indien (I-CTXs). Cette pluralité de toxines serait à l’origine des différences de symptomatologies observées d’une région à l’autre.

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Pourquoi les poissons deviennent-ils toxiques ?

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L’agent responsable de l’intoxication est une algue microscopique unicellulaire d’un diamètre moyen de 60 microns. Ce dinoflagellé a été découvert en 1976 lors d’une forte flambée de ciguatéra aux Iles Gambier et appelé Gambierdiscus.

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Depuis 1990, la mise en place de programmes de recherche pluridisciplinaires a permis de mieux connaître la biologie de cette micro-algue, dans son milieu naturel et en laboratoire, et de préciser la biogenèse du phénomène ciguatérique.

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Le genre Gambierdiscus se caractérise par une très large répartition géographique à l’échelle du globe. Quatre espèces sont endémiques en Polynésie : G. toxicus, G. australes, G. pacificus et G. polynesiensis, cette dernière se révélant la plus toxique. Peu mobile, Gambierdiscus vit, à l’état sauvage, accroché aux macro-algues colonisant les coraux morts et s’y multiplie habituellement en nombre limité.

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Poster : A la recherche de la petite algue qui gratte

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La surveillance écologique et toxicologique de ce dinoflagellé a montré que la saison chaude était favorable à sa prolifération (ou bloom), de même que toute perturbation d’origine naturelle (cyclone, tsunami, séisme…) ou humaine (pollution, aménagement du littoral, immersion de matériels…) susceptible d’entraîner une mortalité des édifices coralliens. Pourtant, ce n’est pas la présence de fortes densités de Gambierdiscus qui crée la ciguatéra mais celle des lignées toxiques de cette micro-algue. On observe en effet une coexistence de souches atoxiques et ciguatoxiques dans le milieu naturel. La mise en culture de ces dernières permet de produire en masse des ciguatoxines in vitro. L’identification des gènes spécifiques de ces lignées toxiques devrait permettre à terme le développement de sondes moléculaires en vue de la détection en routine et en temps réel des lignées dangereuses de Gambierdiscus in natura, notamment dans les zones intéressant la pêche lagonaire.

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La chaîne alimentaire de la ciguatéra est essentiellement limitée aux poissons. L’intoxication consécutive à la consommation de mollusques ou crustacés reste peu documentée, même si des intoxications de type ciguatéra-like, liées à la consommation de bénitiers, ont récemment été suspectées dans certaines régions du Pacifique (Lifou en Nouvelle-Calédonie, et Raivavae dans l’archipel des Australes). Les CTXs, produites en très faibles quantités par le dinoflagellé, sont ingérées par les poissons herbivores qui broutent les algues puis se concentrent dans leurs tissus. Elles s’accumulent ensuite dans l’organisme de leurs prédateurs, les poissons carnivores. Inoffensives pour le poisson, les toxines sont nocives pour l’Homme au-delà d’un certain seuil de tolérance.

Sait-on détecter les poissons toxiques ?

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La pluralité des toxines en jeu est une donnée déterminante dans la définition de la stratégie de dépistage à adopter. La recherche a ouvert cinq voies de détection possibles : la voie biologique par injection intra-péritonéale à des souris ; la voie chimique, par chromatographie liquide haute performance, qui devrait permettre le dosage de toxines présentes même à l’état de traces ; la voie immuno-chimique basée sur la production d’anticorps anti-ciguatoxines ; les test de cytotoxicité qui dosent les ciguatoxines en fonction de leurs effets sur la viabilité de lignées cellulaires, et la voie neuro-pharmacologique enfin, qui a abouti au développement d’un « test interaction ligand-récepteur », basée sur l’affinité des CTXs pour des récepteurs membranaires d’un type très particulier (canaux sodiques).

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Initialement mise au point sur la chair de poisson, cette dernière méthode s’avère également très bien adaptée au dosage des toxines dans la micro-algue à l’origine du phénomène, et est aujourd’hui utilisée pour réaliser, dans une aire géographique donnée, un double contrôle à la fois des populations de dinoflagellés et de poissons. Ce test de détection est actuellement utilisé en routine dans les missions d’évaluation du risque ciguatérique réalisées depuis 2004 par l’ILM, dans différents lagons de Polynésie (Tubuai, Raivavae, Nuku Hiva, Fakarava, Moruroa, etc.).

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Les enjeux de telles recherches sont multiples. Au-delà de la prévention du risque sanitaire, la mise au point d’outils de dépistage variés et complémentaires devrait venir soutenir la politique de développement de l’exploitation des ressources lagonaires initiée par le Pays.

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Poster : Comment détecter les ciguatoxines dans le poisson ?

Méfiez-vous

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  • Chirurgiens – Maito, Maroa
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  • Perroquets – Uhu Rae Puu, Kukina, Rotea
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  • Lutjans – Haamea, Haputu
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  • Nasons – Ume (Marquises et Gambier)
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  • Perches – Taivaiva, Tuhara
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  • Loches – Tonu
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  • Mérous – Roi, Faroa
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  • Becs de cane – Oeo
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  • Balistes – Oiri
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  • Murènes – Puhi Iari (javanaise)
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  • Carangues – Paihere Ninamu, Uruati
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  • Mulets – Tehu
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  • Barracudas – Ono
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Les poissons généralement incriminés dans les cas d’intoxication à la ciguatéra en Polynésie

Quelques conseils

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  • La présence de ciguatoxines n’altère en rien l’apparence, l’odeur ou le goût du poisson.
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  • La congélation, la cuisson, le fumage, le mode de préparation et l’assaisonnement n’éliminent pas la toxicité ;
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  • Faites confiance aux riverains et pêcheurs expérimentés qui ont une bonne connaissance de la biologie des poissons (habitudes alimentaires, habitat…) et évitez de consommer les espèces qu’ils soupçonnent être toxiques ;
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  • Ne mangez pas les plus gros spécimens des espèces de lagon lorsque vous ne possédez aucune information sur la zone de pêche ;
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  • Videz les poissons aussitôt après la pêche ;
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  • Préférez les filets à la tête et aux viscères qui sont plus nocifs ;
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  • Après une intoxication, veillez à ne manger ni poisson ni fruits de mer pendant au moins 3 semaines. Evitez aussi les boissons alcoolisées.
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